lundi 17 mars 2008

[Thèse] De la composition de l’arnaque

J’aurais également pu appeler cette propa « Pourquoi est-ce que j’ai envie de fajitas quand j’entends Twist and Shout ? » ou alors « L’art de la musique pour pécho », mais c’est trop long et moins classe.

Vous savez tous que la musique que nous entendons (subissons ?) à la radio est une soupe sans fin, précalculée pour plaire à nos oreilles, et ce dans le but immonde de nous faire écouter les pubs ou de vendre du cd à la brouette. Simplement, toute cette élaboration est très subtile, et même extrêmement technique. De plus, les recettes employées sont également utilisées par de nombreux groupes de Rock Indépendant dans l’espoir de passer un jour dans les merveilleuses cases du Mouv’ (ah les fourbes !).

Pour cette étude, nous allons prendre le cas du groupe Saybia, fier groupe danois qui a la prétention de ne pas faire de métal familial à l’instar de ses collègues nordiques.

Ils sont beaux non ? Ouais je sais… Si toi aussi tu veux pécho en composant un titre bien love, lis attentivement ce qui suit…

Bref, ce groupe débonnaire a eu l’immense idée de sortir en 2002 le titre « The day after tomorrow », sur l’album The Second You Sleep. Jusqu’ici tout va bien. Vous pouvez l’écouter ici : http://www.youtube.com/watch?v=tJWNGrXNDFE

Je me passerai de faire des commentaires sur le clip en lui-même, pour mieux m’attacher à l’analyse approfondie de ce titre (en fait j’ai rien compris au clip, j’ai beau étudier les images animées, le ciné tout ça, si quelqu’un peut m’expliquer, je suis preneur).

Tout d’abord, pour faire un bon titre pour pécho, et aussi passer à la radio, il faut impérativement parler d’Amour. Oui, c’est lourd, mais sinon l’ado qui écoute ça dans sa chambre ne pourra en aucun cas démarrer un processus d’identification avec ses déboires amoureux. Si possible, parlez d’Amour, mais ayez l’air de souffrir. Traduction d’un passage du refrain : « Je suis perdu dans tes flammes, ça brûle comme le soleil. Et je cris ton nom dès que tu es partie ». Saybia maîtrise à fond les poèmes écrits au collège.

Les paroles, c’est facile, mais pour bien cadrer tout ça, il est important d’avoir au préalable une structure musicale dans laquelle vous pourrez facilement insérer vos textes. Et c’est là que ça se gâte. « Je sais pas écrire de musique, j’ai pas d’talent !» Ce n’est pas grave ! Saybia n’a pas de talent non plus, ce sont juste d’excellents ouvriers qui ont parfaitement compris la démarche à suivre. Pour bien comprendre, il est important de se représenter la musique sur deux axes : horizontale (structure du morceau, déroulement de la mélodie, couplets, refrains) et verticale (choix des instruments, arrangements). Commençons par cette dernière. Vous êtes un groupe de rock (ou du moins le prétendez) alors il vous faut une structure des plus classiques, et en même temps complète pour jouer l ‘amplitude du morceau. Ici, nous aurons trois guitares (très important), une basse, une batterie et un clavier (lui aussi très important). Ce qui fait tout l’intérêt d’une musique pour pécho, c’est la façon dont vous allez agencez ces instruments (les arrangements), et là, c’est imparable, il vous faut une guitare acoustique, ne serait-ce que pour entendre le bruit des doigts frottent sur les cordes lorsque l’on change d’accord (ça fait plus sensible), et ce dès l’introduction, afin de capter directement l’attention de votre public. Les claviers serviront de faire-valoir, un peu comme une laque pour faire briller le bois. La basse fera tout le temps la même chose, et la batterie fera badaboum afin d’obtenir le cachet rock (genre on est un peu durs, on frappe aussi).

Tout cela étant fait, passons à l’horizontale (on est pas là pour être mignons).Vous ne savez pas composer de mélodie ? C’est pas grave ! Il existe un outil formidable tout droit sorti du jazz que l’on appelle « l’Anatole ». L’Anatole, c’est le grand pote des guitaristes, ça leur permet d’enchaîner une suite d’accords préétablis, dans n’importe quel ordre, et ce, de manière à ce que l’ensemble reste toujours harmonieux à l’oreille. Suffit de taper là-dedans et c’est bon (à votre avis, pourquoi Wonderwall et Boulevard of Broken Dreams se ressemblent autant…d’où le premier sous-titre de la propa). Ça c’est fait, ensuite intéressons nous de plus près à la structure du morceau, dans sa durée. Pour un titre qui doit passer à la radio, il est très important de laisser des parties instrumentales en début et fin de morceau pour que l’animateur puisse blablater tout en laissant le titre tourner (ça comble les vides). Évitez les fade-out en fin de morceau, car ils ne savent jamais comment couper.

Bref, pour en revenir à l’introduction, dans le cas de Saybia, c’est encore une fois parfait, 20 secondes d’instru. Ils commencent par une sonorité un peu ambiante, avec un rythme de batterie lo-fi (ça fait plus élaboré), puis ils commencent directement avec la mélodie principale, que l’on retrouvera au refrain (les Corrs ont également très bien compris ce principe). Ensuite, c’est carré, deux couplets, puis refrain. Très important, ils laissent un temps de latence avant le refrain, comme pour le faire exploser (c’est juste un effet, ça n’explose pas du tout rassurez-vous). Remarquez, la mélodie en arpège est exactement la même pour les couplets et le refrain, simplement, ils jouent sur la verticalité du morceau avec la saturation des guitares. Puis reprises des couplets à 1’19’’, cette fois on ajoute le synthé « pour faire briller », et pour essayer de donner une progression au morceau (qui reste toujours le même). Essayez un peu d’imaginer la structure du morceau comme un double entonnoir : =< >=, mais avec un léger déséquilibre vers la fin. Donc, deux couplets, puis re refrain (implacable vous dis-je).

2’15’’, très important, le pont musical. Là on change de tonalité pour faire varier la chose, car l’ado est peut-être con, mais il peut se lasser vite. Alors là Saybia est très malin, puisqu’il va jouer sur les réponses entre le chanteur poseur et les chœurs (écoutez-les bien), de plus, la guitare nous fait une jolie petite reverb’ (ça fait sensible). Puis là, attention, 2’40’’moment très important, solo de guitare. Si jamais vous devez faire écouter votre compo à votre belle, c’est le moment de lui rouler une pelle. Solo de guitare saturée, donc, mais rassurez-vous, même si vous êtes nuls, faites comme Saybia, alignez les même notes, ça passe aussi (en fait c’est le batteur qui fait le solo, en faisant badaboum un peu plus fort). Puis reprise directe à 3’06’’ sur le refrain. Jouez sur la verticale donc, écoutez bien, ils utilisent les chœurs du pont musical. Voilà c’est quasiment terminé. Une fois le refrain terminé, gardez toujours la même mélodie, mais juste à deux guitares (toujours avec l’acoustique pour les bruits de frottements, ça fait sensible !), et répétez la dernière phrase du refrain en laissant votre voix s’érailler pour bien montrer que vous souffrez.

D’excellents ouvriers donc les Saybia. Voilà, vous avez votre morceau pour pécho, et vous savez comment créer un titre pour les gentilles radios. Merci Saybia !

[Top 5] Les génériques de dessins-animés les plus… Rock !

Ah la la, les dessins-animés c’était mieux avant. On nous bassine souvent avec cette connerie de génération Casimir infantilisante (pour ma part, ça serait plus Dorothée), mais il est vrai que quand on jette un coup d’oreille sur ce qu’il se faisait à l’époque, ça avait plus de couilles. Aujourd’hui, à part peut-être le faiblard générique de Extreme Ghostbusters (http://youtube.com/watch?v=wwHD7Y_Duso) on a plus grand chose à se mettre sous la dent (et encore, c’est qu’une cover un peu salie pour faire genre). Voilà pourquoi je vous propose de vous plonger dans vos souvenirs et d’écouter avec vos oreilles d’aujourd’hui ce qui se fait de mieux en matière de générique (et non, désolé, Galaxy Express 999 ne fait pas parti du lot).

Neumbeur Faïve ! Tortues Ninja http://youtube.com/watch?v=x6_xv0m4ahw

Ils ont mis le paquet sur celui-là. Rythmique uptempo, montée des synthés, ça pulse, et ça donne envie de secouer la tête. Ça commence fort avec le gros son de guitare, et on est pris au piège à répéter « Tortues Ninjaaaaaa Tortues Ninjaaaa » en boucle. Le truc qui fait tout, c’est cette petite sonorité japanisante sur « Kawabunga le cri des ninjas », on sent que les mecs se sont éclatés à écrire ce morceau. D’ailleurs, les arrangements de la VF sont beaucoup plus intéressants, car le jeu de basse est davantage présent, avec un côté plus crado, sérieux. La VO est bien plus artificielle, avec sans arrêt des voix ridicules qui balancent des vannes et qui gâchent tout le morceau. Un must.

Neumbeur Faur ! Silverhawks http://youtube.com/watch?v=wF8yrBNWsQg

Je n’ai jamais entendu autant de solos de guitare dans une seule minute pour un générique de dessin-animé. Un couplet, et hop solo ! Dans la série Jean-François Porry, je voudrais le couillu. Chef d’œuvre trop méconnu de son immense carrière de compositeur à succès, le petit Jean-François s’est encore une fois associé au meilleur batteur du monde, Bernard Minet, afin de créer cette ouverture pour un dessin-animé qui le fait bien. Comme à son habitude, Jeff saura dénicher les arrangements les plus parfait sur une rythmique des plus entraînante, en ajoutant ce petit côté blues qui saura réconcilier les plus mélomanes d’entre-vous. Du Jean-Jacques Goldman, mais en mieux. Et puis, rien que pour le pilote du méga vaisseau en forme d’aigle (NdB : j’avais les jouets, je sais de quoi je parle), qui porte le Stetson comme personne, avec sa superbe guitare-électrique-méga-pistolet-laser, c’est la classe.

Neumbeur Fri ! Jem & les Hologrammes http://youtube.com/watch?v=JmYU4CeuZQ0

Souvenez-vous, le dessin-animé le plus glam rock de tous les temps, les pisseuses visual kei n’ont qu’à bien se tenir, Jem & les Hologrammes… Si vous ne connaissez pas, je vous le recommande fortement, ne serait-ce que pour la Bande Originale très réussie. Le générique tape fort lui aussi, je vous ai mis la VO car la chanteuse a la même voix de Kim Wilde. Il est à la hauteur des plus grands tubes des années 80, avec sa basse funky à souhait, son merveilleux de son de caisse claire très reconnaissable, et surtout, ces nappes de synthés bien posées là où il faut, avec des réponses entre les chœurs et la voix principale. Et bam, la référence bien rock, on voit apparaître en plein milieu du générique les ennemies jurées de Jem, j’ai nommé les Misfits (ça s’invente pas), qui avaient par ailleurs des interventions très rock dans le dessin-animé. À côté, les Totally Spies, ce sont des putes à frange.

Neumbeur Tou ! Jayce & les Conquérants de la Lumière http://youtube.com/watch?v=_lLFsuT6K44

Ce générique fait parti d’une série de compositions très réussies pour des génériques de dessins-animés français qui furent utilisés comme outils marketing pour vendre plus de jouets (je pense à M.A.S.K. où Ulysse 31, dont les génériques pourraient très bien faire avoir leur place dans ce Top Faïve, mais ça serait déloyal…), mais bien souvent, et contrairement aux attentes, la qualité de ces dessins-animés étaient au rendez-vous, bien plus que les ventes des jouets. Tout est parfait là-dedans, une tuerie sans nom. L’entrée avec la ligne de basse accompagnant les « spoken words » prophétiques, puis la batterie, et premier couplet avec cet arpège de synthé en escalier dont je suis sûr que Radiohead et Muse ont tout pompé. Pfiou, j’en ai des frissons à chaque fois que j’entends ce refrain, surtout quand le chanteur balance le « Sauve l’univers ! » jubilatoire. Amis paranos, si vous avez la version longue de ce générique, vous m’intéressez .

Énde neumbeur wone ! Transformers http://youtube.com/watch?v=ChlDv74gs18 (Et pour la version longue, c’est là : http://youtube.com/watch?v=3fQ5YBcfhwo )

Attention, c’est du lourd, du très lourd, bien heavy à souhait. Ça sent la testostérone, les longs cheveux blonds bouclés et la veste en jean sans manche effilochée. Ça n’est pas vraiment un générique de série à proprement parler, mais bon, c’est quand même pour un dessin-animé, et c’est tellement réussi qu’on en redemande. Le groupe qui a pondu ce chef d’œuvre s’appelle Lion (là aussi, ça ne s’invente pas), et la bande originale fourmille de pépites en tous genres (The Touch et Dare interprétés par Stan Bush pour ne citer que celles-ci). L’intro à la batterie, la guitare crescendo et bam ! Qui peut se vanter de faire ce genre de musique aujourd’hui pour un dessin animé ?! À huit ans, quand tu vas au ciné pour voir le film de tes héros préférés, et que tu tombes là-dessus, c’est une grosse baffe d’entrée, et tu sautes sur ton siège ! Je vous laisse apprécier la version longue avec un énorme solo de guitare comme on en fait plus (Peut-être les Guns sur There Was a Time, et encore…).

C’est quoi votre top faïve à vous ?